29 nov. 2009

Le petit manguier


Aujourd'hui, jour de Tabaski (Aïd) et de fête au village, à midi, en présence de tous les villageois, un petit manguier a été planté dans ce village, au Mali.

22 nov. 2009

Là où rien n'est possible, la beauté l'est encore (Camus)

Transcription d'un texte très peu connu, et oublié, d'Albert Camus*.

Quand le ciel est contraire, ce n’est rien de s’habituer au malheur. Mais le danger est de perdre toute disposition au bonheur et de désapprendre à le recevoir. S’il survient alors, pour peu qu’il soit brusque ou violent, il arrive qu’on le manque. Ces dons du ciel, longtemps attendus dans la stérilité, voici qu’ils tombent en pluie précipitée, qu’ils nous débordent et nous échappent au lieu de nous combler, et que nous retournons sans eux dans l’étroit du malheur. Il nous faut alors, de nouveau, attendre les surprises célestes.

Ainsi de la pluie au désert. Des mois, des années durant, la terre brûle et halète et se consume sous un ciel inaltérable. Au ras du sol, la vie cache ses combats et ses amours, tout plie ou s’accroupit sous le vent sec et ses souffles brûlants. Les plantes se couvrent de nœuds épineux, épaississent encore leurs cuirasses pour mieux préserver l’humidité de leurs fibres ; les animaux raccourcissent leur respiration, deviennent avares de leurs mouvements. A l‘extrémité de la disette, la vie baisse encore d’un ton, pour seulement durer. Mais, sur cette frontière mortelle, il semble chaque jour que le soleil du lendemain suffira pour faire flamber le désert entier et consumer toute vie dans ce bûcher terrible. Un jour pourtant, venu on ne sait d’où, un vent léger et humide se lève, des nuages s’amassent rapidement dans le ciel, la lumière s’éteint et les couleurs du désert foncent. Une à une, les premières gouttes d’eau s’écrasent sur le sol, aussitôt bues par le sable. Bientôt, d’énormes et brutales averse crèvent en cataractes sur toute l’étendue désertique. En quelques heures, le ciel va déverser l’eau d’une année. Et cependant, la terre altérée n’aura même pas le temps de digérer cette manne impérieuse. L’eau se répand partout, arrache les terres meubles, noie les sables et transforme le désert en lac. Si la pluie continuait , elle ferait de ces lieux maudits une vallée de Canan. Mais avant que le sol puisse être profondément imprégné, brusquement, la pluie s’arrête et le ciel vire au bleu. Le sable avale d’un trait ce qui reste d’eau. Quelques heures après, la terre craque et se gerce, appelant l’eau une fois de plus, ouverte encore, et vainement, à des averses qui mettront des mois ou des années à revenir.

Pourtant, ce n’est pas encore la totale sècheresse, et ces contrées n’en ont pas fini avec les bénédictions dévorantes de l’eau. Venue des gorges lointaines où prennent naissances des rivières éphémères, une clameur sourde, puis hurlante, se fait entendre sous le ciel désormais tranquille. Au pied des montagnes, les eaux, venues de toutes parts, se réunissent dans le lit des torrents qui grossissent à vue d’œil, gonflent démesurément et se ruent dans la désert. Ils débordent leur lit, dévastent les rives et détruisent toute vie sur leur passage. L’eau, maintenant, coule de toutes parts en grondant. Elle arrête , sur la terre cruelle, les combats et les amours, roulant vainqueur et vaincu dans la même mort, séparant les amants acharnés pour les coucher dans la boue. Puis d’écumeux et bondissants, les flots deviennent boueux. Ils s’épaississent et s’étalent comme une lave lente qui sèche peu à peu dans le lit caillouteux. Quand le soleil règne enfin sur le ciel, les sables fument, les mares blanchissent et, peu après, le désert brûle encore. Ses créatures, plantes et bêtes, échappées au désastre, sentent à nouveau se creuser en elles cette longue soif qui vient d’être noyée sans être assouvie. Subite, sans crépuscule, la nuit vient et dévore, d’une seule bouchée, un ciel qui ne sait rien mesurer de ses peines ni de ses dons.

Mais à vivre dans le désert, on apprend à recevoir du même cœur le dénuement et la profusion. L’éternité du monde est fugitive, la fleur d’un seul jour justifie à certains instants toute l’histoire des hommes. C’est là ce qu’enseigne le désert et, dès lors, on peut attendre l’aube où tout est réconcilié, la pluie soudaine et brève où, selon Valery, l’on se jette à genoux. On attend, aussi longtemps qu’il le faut, et un jour le rendez-vous est pris, l’aube et la pluie sont là. Il est bien vrai que, malgré leur violence, orages et torrents passent sur le désert comme l’ombre d’un nuage à la surface des grands océans. Sur l’immensité desséchée, ils laissent seulement une rosée rapide et insuffisante. Et cependant, à certaines saisons du moins, cette rosée suffit pour qu’ une nuit sables et pierres disparaissent sous les fleurs. L’eau mouille fugitivement l’écorce de la steppe jaune et le lendemain une mer éclatante y roule ses courtes crinières fleuries.

Une splendeur si soudaine serre le cœur et le ravit à la fois. Le temps accomplit bien d’autres merveilles que celles-ci. Mais, justement, on appelle miracle ce qui se passe du temps et qui s’accomplit sans effort, ni préparation apparente. Les fleurs qui pavoisent à ce moment le désert sont les corolles du miracle. Sur cette terre stérile, rien en effet ne poussera jamais qui puisse servir à l’homme ; aucun épi ne parviendra à maturité dans ces labours de pierre. Les êtres eux-mêmes y naissent adultes, luttent rapidement du premier au dernier soupir et meurent, loin de toute jeunesse et de toute vieillesse, sans déposer les armes. Rien ici n’est possible, tout est donné à tous, en une fois. Mais là où rien n’est possible, la beauté l’est encore avec ses brefs miracles et son éternel éclat. Le désert est une terre de beauté, inutile et irremplaçable. Les seules moissons dont il se couvre sont de fleurs et n’ont qu’un jour ou deux pour germer, gonfler et disparaître. Mais elles jaillissent en gerbes multicolores de campanules et de pavots, elles resplendissent avant de mourir. Certaines de ces fleurs attendent pourtant dix années pour éclore. Puis elles s’épanouissent et meurent en un jour. Comment certains hommes n’adoreraient-ils pas dans ces fleurs une énigme fraternelle ? Non, il n’est pas de créature si ingrate qu’une rosée fugace un jour ne la fasse fleurir et l’emplisse d’un lait de douceur. Le cactus du désert se couvre d’épines, s’engonce dans sa carapace pustuleuse, et le voilà semblable à une affreuse plante animale, arbre sans ombre, pieuvre prisonnière, enchaînée par malédiction dans l’enfer du soleil et de la poussière. Vienne la pluie pourtant, et sous son brusque baptême, la peau maintenant verte et vernissée du cactus se soulève, crève, et laisse s’échapper une à une les plus belles fleurs du désert. Au premier soleil, elles dardent timidement le fourreau encore froissé de leurs pétales couverts de rosée. Le soleil les sèche rapidement et à mesure que la journée avance, la corolle s’ouvre un peu, se défroisse, se déploie encore. Sur ces plantes mortes éclate enfin une fête somptueuse de couleurs et de chairs tendres : des corolles fragiles veinées d’un sang léger dorment dans un lit d’épines. Et comme certains visages hirsutes et ravinés offrent la surprise d’un regard clair et tendre, ici des végétaux maudits couronnent leurs lourds torses barbelés d’une grâce fragile et odorante. Surgissant au-dessus des plus vieilles terres du monde, hors de sa niche de pétales, un gâteau d’étamines offre au soleil, pour un instant, le frais et humide mystère des commencements.

La nuit et le silence tombent ensuite sur le désert transfiguré. Pour un court moment encore, quelque chose dans ces solitudes espère l’impossible, le miracle continué : des fontaines muettes coulent dans le sable et une herbe invisible s’emplit d’insectes heureux. La paix va triompher, le rat dormir près du serpent, le tendre lynx renoncer au meurtre, l'Eden enfin agitera les branches de ses grands arbres au-dessus des prairies grasses où dorment des fauves innocents. Le matin peut ensuite se lever sur les collines inchangées et les vallées désolées, la chasse implacable commencer. Le soleil de midi peut monter à son aplomb, recroqueviller les fleurs pour les brûler, et tuer la vie et l’espoir sur l’immense étendue. Le souvenir au moins demeure de la fraîcheur et de la beauté. Il sera obscurci par le vent qui, de nouveau, recouvrira plantes et animaux d’une cendre de sable. Il perdra une à une ses couleurs, les fontaines tariront, l’herbe crépitera avant de mourir. Dans la guerre revenue, les animaux se mordront à la gorge ; meurtres et amours sauvages se succéderont entre les deux déserts du ciel et de la steppe. L’Eden est loin, les prairies ont brûlé, et désormais, pendant de longues années peut-être, la peur, la soif, les brefs triomphes, la mort règneront sur ces solitudes. Seule la trêve haletante de la nuit apportera aux animaux un repos encore traqué. Mais l’espoir qui perd ses appuis et sa lumière, l’espoir de la nuit, porte un nom, qui cache le secret de toute grandeur, et qui est obstination. Qui, dans ces solitudes que la nature, ou la société, offre à l’homme, vivrait ou créerait, sans l’obstination sacrée ? Qui consentirait à supporter le jugement et la haine, ou surtout à marcher dans le désert que chacun porte en soit, sans cet entêtement souverain qui refuse la démission et fait de la mort elle-même une victoire ? Les déserts sont ainsi les royaumes de la vertu unique, celle qui existe par elle-même et sans qui aucune autre vertu n’existe, la volonté d’être. Ici, l’insecte et le fauve depuis des millénaires donnent la leçon à l’homme. Ils ont fait de la patience elle-même un espoir. Patients à s’assouvir, patients à vivre et à mourir, ils attendent, au ras du sol. Comme s’ils savaient qu’au cœur même du silence et de l’aridité, une promesse,connue d’eux tous, chemine au long des temps et, de loin en loin, en une nuit, couvre de fleurs le désert. Mais en vérité, ils le savent, soyons-en sûrs, et c’est nous au contraire qui, chaque jour, devons l’apprendre, dans la solitude. Ainsi, parmi les racines sèches et les végétaux monstrueux, loin des sources ,dans ces contrées étranges où la fontaine et le puits ombreux cèdent la place à la citerne épineuse du cactus, il nous faudra longtemps durer pour obtenir un jour, moisson fragile, la brève et puissante liberté de ceux qui ne possèdent rien et qui saluent pourtant la vie jusque dans ses énigmes.

* « Désert Vivant » (ouvrage collectif de textes et photos sur la faune et la flore du désert, début des années 60, Éditions photographiques Disney, France)

20 nov. 2009

A ladybug, in November


18/11/2009, originally uploaded by Briconcella.

5 nov. 2009

Ladybug


Ladybug lo, originally uploaded by ®DS.